Recycler des mousses en fin d’usage avec une approche « Chem-Biotech » : une avancée pour l’environnement

Comment transformer la mousse d’un vieux matelas en une nouvelle paire de chaussures de sport ? En recyclant la matière plastique ! Mais ce n’est pas simple ! Le polyuréthane composant principal des matelas, des mousses, des isolants…est difficile à recycler. Résistantes et souvent de très faible densité, les particules de polyuréthane se dispersent facilement dans la nature et peuvent se retrouver dans les microplastiques des océans. Enfin la synthèse actuelle du polyuréthane nécessite l’usage des composés très toxique, des isocyanates !

En mettant le polyuréthane arrivé en fin de vie en contact avec des enzymes, l’équipe BioTeam dirigé par le professeur Luc Averous au sein de l’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé (ICPEES, unité CNRS et Université de Strasbourg) a mis au point un nouveau procédé alliant biotechnologie et chimie. Ce procédé de dégradation enzymatique contrôlée permet d’obtenir des « briques » réutilisables, et produire ainsi une seconde génération de polyuréthane pour fabriquer de nouveaux objets et ceci sans utiliser des isocyanates toxiques. On parle de procédé circulaire et durable
« Chem-Biotech ».

Plus on recycle, mieux on protègera la nature de la dissémination de particules de plastique.

Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue ChemSusChem, le 25.02.2021 (https://doi.org/10.1002/cssc.202100243)

Dans le domaine du recyclage et globalement celui du traitement des matières plastiques en fin de vie, il vaut mieux éviter les visions trop simplistes. Par exemple, la biodégradation par compostage des matières plastiques est très souvent plébiscitée ! Mais cette approche intéressante présente aussi des inconvénients qui sont souvent minimisés. En effet, la biodégradation génère des gaz à effet de serre qui sont difficilement valorisables, tels que le gaz carbonique et le méthane avec une perte énorme de richesse structurelle par rapport au matériau initial. De plus, seuls quelques polymères sont biodégradables. La plupart des matières plastiques ne peuvent pas se biodégrader « naturellement » dans des temps courts, ce qui est d’ailleurs une bonne chose car on attend de ces matériaux une excellente tenue dans le temps dans une grande majorité des usages.

Au sein de l’équipe de recherche BioTeam de l’ICPEES (UMR 7515), les chercheurs se sont orientés vers la dégradation enzymatique contrôlée, qui permet de mettre en contact des enzymes avec les matières plastiques en fin de vie, après usage, afin de produire des molécules, des briques (ou synthons) à partir desquels, par voie chimique, on va obtenir une seconde génération de polymères.

Les chercheurs se sont ainsi attaqués au bio-recyclage d’une famille de polymères très difficile à traiter : les polyuréthanes. Il s’agit de la cinquième famille de matières plastiques. Ils ont des propriétés exceptionnelles mais ils posent actuellement des problèmes énormes notamment en fin d’usage. On les retrouve par exemple en grande quantité dans les microplastiques, dans les océans. En effet, résistants et souvent de très faible densité, ils se dispersent facilement dans la nature après usage.

Des mousses pour les matelas, les isolantsque lon retrouve sous forme de microplastiques dans les océans

Les polyuréthanes, c’est une famille de polyméres qui porte des fonctions chimiques uréthanes, lesquelles sont obtenues par réaction très rapide entre des molécules qui portent des groupes alcools et d’autres avec des fonctions isocyanates. Ces dernières sont connues pour être particulièrement toxiques avant de réagir.

Concrètement, les polyuréthanes sont des mousses à plus de 60%. On en trouve dans les matelas, dans les sièges auto, elles sont présentes dans les mousses à cellules fermées notamment dans l’isolation thermique des bâtiments. Ces mousses ont une structure 3D dites réticulée. Cela veut dire que, si vous les chauffez, elles ne se ramollissent pas avant de se dégrader. Il est donc impossible de faire du recyclage matière en faisant fondre comme cela se fait communément pour les thermoplastiques, tel que le PET des bouteilles d’eau.

Au-delà des groupes uréthanes qui sont connus pour être particulièrement résistants, les polyuréthanes ont aussi des groupes éther et ester et ce sont ces derniers qui ont été cassés en utilisant des enzymes, en préservant les fonctions uréthanes intactes. Il existe une large famille d’enzymes que l’on appelle les estérases qui ont pour fonction d’hydrolyser ces groupements ester. Une fois le réseau déconstruit par ces enzymes, on obtient des briques qui portent des groupements chimiques actifs qui vont pouvoir être utilisées pour fabriquer une seconde génération de polyuréthanes, et ceci utiliser des isocyanates toxiques. Cette boucle circulaire qui associe biotechnologie et chimie pourrait être répétée un très grand nombre de fois. En plus du recyclage des mousses en fin d’usage, faire des polyuréthanes sans ajout d’isocyanate est aussi un point majeur de l’ensemble de la démarche !

Une nouvelle vie est possible pour les mousses usagées, pour éviter qu’elles ne terminent en fines particules dans l’environnement. Cela permettrait, de donner une nouvelle vie à de vieux matelas en les transformant en chaussures de sport, par exemple, dans une approche durable et circulaire.

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