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Un psy belge a fait condamner en justice Jean-Luc Delarue, sa société Réservoir Prod et France 2


Le psychothérapeute connu Baudouin Labrique avait été appelé par Jean-Luc Delarue en tant qu’expert en psychothérapie à l’émission « Ca se discute » diffusée le 19 septembre 2007 sur France 2. S’estimant avoir été maltraité, Baudouin Labrique a porté l’affaire en justice devant le tribunal de Grande Instance de Paris ; Jean-Luc Delarue, sa société Réservoir Prod et France 2 ont été condamnés fin 2009 ; ils n’ont pas interjeté appel. C’est un jugement important en ce qu’il admet que l’application de l’article 1382 du Code Civil est possible en matière d’abus de la liberté d’expression lorsque la faute est sans rapport avec une infraction de presse. La requalification de l’action indemnitaire sur le fondement de la Loi de 1881 sur la liberté de la presse a été en effet été refusée par le tribunal.

Baudouin Labrique avait déclaré dans une interview publiée par le groupe Rossel, peu après l’enregistrement de l’émission : « Au début, j’étais réticent [ndlr : à participer], mais mon interlocutrice m’a convaincu que Jean-Luc Delarue s’intéressait au développement personnel et qu’il s’agissait d’un débat sain et équilibré. Nous avons préparé le fil conducteur, l’émission et les thèmes qui seraient abordés…. Je pensais que c’était une bonne occasion de redorer le blason des thérapeutes dont on dit tout et n’importe quoi » (…). « Je venais pour expliquer le mode de fonctionnement, le comportement des thérapeutes et le code de déontologie qui régit notre profession. Je me suis senti manipulé au cours de cette émission ».

Suite à la diffusion de l’émission, appelée également comme expert à l’émission, le Pr Anne Morelli avait écrit : « Un psychothérapeute, issu comme moi de l’Université de Bruxelles, a été invité à parler de sa pratique. Jean-Luc Delarue le traite avec une ironie agressive et dès qu’il commence ses explications, le présentateur l’interrompt (par deux fois) pour dire : ‘On ne va pas rester ici toute la nuit à vous écouter’. A la deuxième interruption, ce monsieur se lève dignement et quitte le plateau ».

Dans le cours de l’émission, Jean-Luc Delarue avait prétendu que Baudouin Labrique parlait depuis 20 minutes : le décompte exact du temps de parole qui lui a été alloué durant cette émission n’est que de 1 minute et 30 secondes, ce qui ne constitue qu’un pourcent de la durée totale de l’émission (2 heures et 20 minutes), ce qui équivaut à 1 % de l’émission diffusée.

Baudouin Labrique a adressé en vain un droit de réponse à la société de production de M. Jean-Luc Delarue. Il a alors assigné en justice Jean-Luc Delarue, sa société Réservoir Prod et France 2, se prévalant : « de manquements à la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle ainsi qu’aux principes d’honnêteté de l’information, d’équité du débat télévisé et de respect de la dignité (…) ».

Le tribunal a relevé le retrait d’une phrase entière prononcée par Baudouin Labrique, en changeant le sens du dialogue et de toute première importance pour l’information objective des téléspectateurs. ‘La charte de l’antenne’ de ‘France Télévisions’ stipule en effet que « lorsqu’une interview ou une émission fait l’objet d’un montage, celui-ci ne doit pas avoir pour conséquence de dénaturer les propos tenus, leur sens et leur portée ».

Pour y arriver, Baudouin Labrique a produit l’enregistrement personnel qu’il a fait sur le plateau de l’émission (diffusée en différé), enregistrement auquel les parties ne se sont même pas opposées ; il craignait que l’on ne déforme ses propos par l’entremise des coupures opérées habituellement en pareilles circonstances. Dans ses conclusions au tribunal, Baudouin Labrique « a considéré qu’une amputation de son discours, même vierge de toute intention malveillante, pouvait malencontreusement générer une interprétation erronée de ce qu’il entendait dire aux téléspectateurs » ; ainsi, il a recouru à cet enregistrement « par mesure de précaution et pour pouvoir, par exemple, s’expliquer ensuite le cas échéant, preuves à l’appui (…) ».

Une des originalités de ce jugement et qui lui donne une importance particulière est, selon l’avocat de Baudouin Labrique, « qu’il faut considérer que le jugement est très satisfaisant en ce qu’il admet que l’application de l’article 1382 du Code Civil [°] est possible en matière d’abus de la liberté d’expression lorsque la faute est ‘sans rapport avec une infraction de presse’. Dans son principe, le Tribunal reconnaît qu’un montage peut être fautif, de même qu’une émission peut porter atteinte à la dignité humaine ». Les parties adverses n’ont en effet pas été suivies sur leur demande de « requalification de l’action indemnitaire sur le fondement de la Loi de 1881 sur la liberté de la presse »

Baudouin Labrique s’estime dès lors satisfait d’avoir pu faire avancer la jurisprudence et espère que les animateurs de télévision, entre autres, auront à cœur de respecter davantage les droits de leurs intervenants.

[°] « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». (Dossier : www.retrouversonnord.be/CSD.htm).

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N.B. Ce n’est que fin janvier 2010 que l’avocat de Baudouin Labrique a reçu le certificat du tribunal attestant le défaut d’appel.