Les compagnies aériennes, soutenues pendant la crise Covid, ratent le coche de la crise climatique et sociale

Greenpeace publie ce mercredi un nouveau rapport intitulé « Vers le crash climatique ? Analyse des sept plus grosses compagnies aériennes européennes ». L’analyse, commanditée par Greenpeace CEE et menée par l’institut de recherche Observatorio de Responsabilidad Social Corporativa, évalue le niveau de responsabilité, d’engagement et de performance des sept principales compagnies aériennes européennes, sur la base de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les annonces et pratiques de Lufthansa, Air France-KLM, International Airlines Group (IAG), Ryanair, easyJet, SAS et TAP Air Portugal ont donc été passées au crible, avec un score attribué dans quatre catégories différentes [1].

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« Globalement et sans surprise, les principales compagnies aériennes européennes ne sont toujours pas à la hauteur sur les enjeux sociaux ou environnementaux, et ce en dépit des financements publics massifs qui leur ont été apportés pendant la crise Covid. Sur la question climatique notamment, les fausses solutions et le greenwashing sont toujours de mise. Air France-KLM – que le précédent gouvernement d’Emmanuel Macron avait pourtant promis de faire, en toute modestie, la compagnie la plus verte du monde – n’échappe pas à la règle », commente Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports à Greenpeace France. 

Ainsi, malgré un soutien financier public à hauteur de 41,9 milliards d’euros apporté au secteur pendant la crise, aucune de ces sept compagnies n’a d’objectifs annuels de réduction de ses émissions de GES ou ne s’est engagée sur une trajectoire et un objectif de décarbonation complète d’ici 2040 (ce qui devrait pourtant être de mise pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris de limiter la hausse moyenne des températures au plus près de 1,5°C). Elles misent sur les concepts vaseux de neutralité carbone et de compensation, ou sur le développement de « carburants d’aviation durables » qui ne sont pourtant pas une solution miracle et ne suffiront pas à limiter  l’impact climatique du secteur. La réduction du trafic aérien est incontournable.

Le rapport rappelle également que les compagnies aériennes européennes sont globalement peu transparentes sur leurs activités de lobbying et n’hésitent pas à s’engager pour affaiblir l’ambition et la législation européennes en matière de climat. 

Sur les aspects sociaux, le rapport montre que, malgré les aides publiques importantes qu’elles ont reçues, les compagnies aériennes européennes affichent des taux de licenciement élevés et offrent souvent des conditions de travail précaires. En parallèle, elles ont continué pour certaines à verser des primes financières à leurs dirigeants pendant la période Covid, et connaissent des écarts importants entre la rémunération de leurs dirigeants et la rémunération moyenne des employés (écart qui s’est même creusé pour certaines compagnies, comme Air France, pendant la crise Covid).

« Ce rapport est aussi l’occasion de rappeler l’irresponsabilité des gouvernements européens qui ont accordé des chèques en blanc aux grandes entreprises polluantes pendant la crise sanitaire et, plus globalement, le manque de volonté de certains responsables politiques à réguler l’action de ces entreprises. Sans mesures politiques structurantes et contraignantes sur les plans environnemental et social, on doit en définitive composer avec les seules promesses des entreprises qui, trop souvent, ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux ou restent lettre morte », rappelle Sarah Fayolle.

En France notamment, lors du précédent quinquennat, E. Macron, son gouvernement et sa majorité parlementaire ont voté sans vergogne des chèques en blanc à Air France et ont refusé toute régulation réellement contraignante et transformationnelle du secteur aérien. A l’approche des élections législatives, il est important de se remettre en tête ces manquements douloureux. 

De plus, ce rapport sort alors que la bien maigre mesure de la loi Climat et résilience française visant à interdire les vols réalisables en train en moins de 2h30 est menacée par une offensive du lobby aérien au niveau européen et que la Commission européenne doit indiquer si elle s’y oppose ou pas. Si elle décidait de s’y opposer, cela enverrait un signal catastrophique sur l’enjeu majeur de régulation du trafic aérien. Bien au contraire, la révision du règlement européen sur les services aériens, menée en ce moment par la Commission européenne, devrait être justement l’occasion d’aller encore plus loin et d’imposer aux États membres d’avancer sur cet enjeu de régulation du trafic aérien pour des raisons environnementales, notamment en commençant par interdire les vols courts pour lesquels une alternative en train est disponible en moins de six heures.

[1] Outre la manière dont ces entreprises du secteur aérien gèrent leur impact climatique, leur responsabilité en tant qu’employeurs, leurs activités de lobbying, ainsi que les pratiques de versement de dividendes aux actionnaires et de primes aux dirigeants ont été évaluées. Les données ont été tirées de sources publiques, notamment les rapports annuels des entreprises entre 2018 – 2020, et analysées en tenant compte des fonds publics dont les compagnies aériennes ont bénéficié pendant la pandémie de Covid. Sur la base d’un ensemble d’indicateurs et d’une méthodologie détaillée ici, les chercheurs ont établi un pourcentage évaluant le niveau de responsabilité des compagnies aériennes dans chacun des domaines analysés.

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