Russie : la Coupe du monde de rugby doit refuser le sponsoring de TotalEnergies

En réaction à la guerre du régime russe contre le peuple ukrainien, la Russie et la Biélorussie ont été écartées des compétitions internationales de rugby et ne pourront pas, par conséquent, se qualifier pour la Coupe du monde de rugby 2023. Si le symbole est fort, il permet également de souligner une incohérence de taille : TotalEnergies, seule major pétro-gazière occidentale à ne pas s’être retirée de Russie, fait toujours partie des sponsors officiels de l’événement. Dans une lettre ouverte publiée le 6 avril et adressée à Claude Atcher, directeur général de la Coupe du monde de rugby 2023, Greenpeace France appelle les organisateurs à la cohérence : ils doivent exclure TotalEnergies des sponsors de la compétition.

« Écarter la Russie et la Biélorussie des compétitions internationales de rugby est un signal fort mais incohérent et inabouti si TotalEnergies reste sponsor de la Coupe du monde. Les organisateurs doivent aller au bout de leur démarche ! Le sponsoring de la Coupe du monde de rugby 2023 par TotalEnergies était déjà une véritable aberration à l’heure de l’urgence climatique, il l’est d’autant plus aujourd’hui, alors que la major pétro-gazière maintient ses activités en Russie, prenant ainsi le risque de participer au financement de la guerre de Vladimir Poutine. TotalEnergies, c’est 1% des financements de la compétition. La Coupe du monde de rugby va-t-elle gâcher la fête pour conserver ce 1% ? », réagit Edina Ifticene, chargée de campagne pétrole et gaz à Greenpeace France.

En juin 2021, Greenpeace France tirait déjà la sonnette d’alarme. Elle lance aujourd’hui une pétition pour demander à la Coupe du monde de Rugby d’exclure TotalEnergies de ses sponsors. Le sponsoring sportif n’est pas anodin : il fait partie des stratégies utilisées par les majors pétro-gazières pour redorer leur image et assurer leur acceptabilité sociale, comme l’a expliqué Greenpeace France dans sa mini-série documentaire « L’Emprise Total ». Afin de mettre un terme à ces alliances toxiques, Greenpeace lançait le 4 octobre 2021, avec une trentaine d’organisations, une initiative citoyenne européenne pour la fin des publicités, partenariats et mécénats pour toute entreprise vendant des biens et services fossiles.

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A l’attention de Claude Atcher,
directeur général de la Coupe du monde de rugby 2023

Objet : demande de rupture du partenariat entre la Coupe du monde de Rugby 2023 et TotalEnergies

Cher Claude Atcher,

Comme vous, nous sommes atterré·es et attristé·es par la guerre dans laquelle s’est lancé le régime russe à l’encontre du peuple ukrainien. Toutes nos pensées vont aux civils qui craignent actuellement pour leur vie ou sont obligés de fuir les combats. Ce conflit est une tragédie en premier lieu pour les Ukrainiens et Ukrainiennes mais aussi pour la population russe, qui va être durement affectée par ses conséquences.

Le monde du sport et particulièrement du rugby s’est ému de la situation et a réagi rapidement : quatre jours seulement après le début de la guerre, World Rugby prenait des sanctions envers la Russie et la Biélorussie. Dans la foulée, le conseil d’administration de la Coupe du monde de rugby 2023 annonçait la suspension des équipes russe et biélorusse des matchs de qualification pour la compétition. La Russie et la Biélorussie ne participeront donc pas à la Coupe du monde de rugby 2023.

Nous vous écrivons aujourd’hui suite à cette décision, afin d’attirer votre attention sur une incohérence qui demeure : celle de la présence de TotalEnergies parmi les sponsors de cette grande compétition sportive internationale. Vous n’êtes pas sans savoir que l’argent du pétrole et du gaz alimente l’État russe et que TotalEnergies est la seule major pétro-gazière qui refuse de cesser ses activités en Russie. De ce fait, la multinationale prend le risque de participer au financement de la guerre de Vladimir Poutine.

Nous ne vous apprenons rien de nouveau non plus en vous disant que TotalEnergies est l’un des plus gros émetteurs de CO2 au monde, et que cette situation n’est pas près de changer puisque 90 % de son activité et 80 % de ses investissements concernent les énergies fossiles. Nous en avions déjà parlé en novembre dernier. En effet, vous nous aviez sollicité·es dans le cadre de votre volonté de faire de la Coupe du monde de Rugby un événement respectueux de l’environnement et engagé pour le climat. Vous nous aviez précisé que la participation financière de TotalEnergies à cet événement s’élevait à 1%. Un pour cent qui va permettre à TotalEnergies d’associer son logo à un événement sportif très apprécié, de renommée internationale. Comme nous vous l’avions alors dit, il n’y a pas de « Coupe du monde verte » possible avec TotalEnergies comme sponsor.

Le sponsoring sportif est l’une des stratégies utilisées par TotalEnergies pour assurer l’acceptabilité sociale de ses activités industrielles destructrices en se faisant passer pour une entreprise philanthrope, au service de la société et du sport. La multinationale se sert de l’image populaire et sympathique dont bénéficie le rugby pour redorer un blason terni. Des contreparties en nature, comme des invitations dans les loges officielles et les soirées prestigieuses, au même titre que des chefs d’États ou des décideurs politiques et économiques, permettraient également à la major d’étendre son pouvoir d’influence.

Suite à notre rencontre, vous nous aviez promis d’étudier la question. Ce partenariat était inacceptable hier, il est aujourd’hui honteux et entache l’image de la compétition à venir. Accepter l’argent de TotalEnergies, c’est cautionner les activités climaticides de la major pétro-gazière, qui opère aujourd’hui dans un pays dont le régime est coupable de crimes de guerre. Est-ce à ces activités que le monde du rugby veut associer ses valeurs ?

Ne laissez pas TotalEnergies profiter de votre image et de votre popularité. Ne lui donnez pas une tribune pour racheter sa conduite. Ne lui servez pas de nouveaux contrats climaticides sur un plateau. Excluez TotalEnergies de vos sponsors. Plusieurs événements ont déjà franchi le pas, à l’image de la ville de Paris qui a refusé que l’entreprise sponsorise les Jeux olympiques de 2024. Nous nous tenons à votre entière disposition pour en discuter.

Veuillez croire, Monsieur Atcher, en l’expression de notre considération respectueuse.

Jean-François Julliard,
directeur général de Greenpeace France

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