Génocide arménien : La diaspora arménienne le commémore aussi en Turquie


Il y a 100 ans, le gouvernement Jeune-Turc dirigé par Talaat Pacha, donnait – dans l’actuelle Istanbul – le coup d’envoi du premier grand génocide du 20ème siècle. En mémoire de ce jour, des Arméniens de la diaspora, venus des quatre coins du monde, rejoignent les citoyens de la République d’Arménie, afin de participer aux commémorations officielles qui auront lieu demain au Mémorial de Dzidzernagaperd (« La forteresse de l’hirondelle ») à Erevan.

D’autres ont fait le choix, et c’est celui du Collectif VAN [Vigilance Arménienne contre le Négationnisme], association créée à Issy-les-Moulineaux en 2004, d’être présents sur les lieux même du Crime, en Turquie, en mémoire du 24 avril 1915 : cette nuit-là, une première vague d’arrestation avait frappé 250 intellectuels arméniens de Constantinople. Ils ont été arrêtés, envoyés en déportation, torturés, assassinés. Leur martyre est considéré comme le prélude d’un génocide qui a effacé de la surface de la terre les deux-tiers des Arméniens de l’Empire ottoman.

Au nom des 1.500.000 victimes arméniennes sans sépulture de 1915, le Collectif VAN a choisi de commencer son pèlerinage de la mémoire avec la délégation de l’historien Ara Sarafian (Institut Gomidas de Londres), dans l’est de la Turquie actuelle, sur les terres où prospéraient les Arméniens depuis l’antiquité et où ils ont été éradiqués il y a cent ans, comme l’ont été les Assyriens, Chaldéens, Syriaques et Grecs qui ont subi le même destin.

Dans la province de Bitlis, qualifiée en 1915 de « province-abattoir », le Collectif VAN est parti à la rencontre des traces du génocide, qu’elles soient de pierre ou de chair : églises en ruine qui parsèment encore la région, ou « restes de l’épée », selon l’expression turque à propos des Arméniens cachés qui ont été islamisés de force ou ont abandonné leur foi chrétienne pour échapper aux massacres, et dont on découvre depuis peu les descendants.

Ce voyage vers un monde disparu a été l’occasion de tisser des liens en Turquie, avec ceux qui n’acceptent pas la politique négationniste relayée dans toutes les instances nationales et internationales par les gouvernements turcs successifs depuis 1923. C’est le cas notamment des militants et élus progressistes kurdes du HDP que la délégation conduite par Ara Sarafian a rencontrés. Conscients du rôle terrible joué par les tribus kurdes dans l’exécution du génocide de 1915, ils ont tous martelé un même message : « Ces terres sont aussi les vôtres, vous êtes ici chez vous ».

L’IHD [Association turque de Défense des Droits de l’Homme], partenaire du Collectif VAN depuis 2008, et connue pour oeuvrer sans relâche en faveur de la justice, de la reconnaissance par l’État turc du génocide arménien et des réparations dues au peuple arménien, a cette année officiellement sollicité le Collectif VAN comme soutien des commémorations organisées à Istanbul ce 24 avril 2015 à 11:00, place Sultanhamet et à 13:00, devant la gare HaydarPacha.

Par ailleurs, comme en 2013, le Collectif VAN a été invité à rejoindre la délégation anti-raciste européenne conduite à Istanbul par l’EGAM et l’UGAB : les deux associations viennent de lancer avec l’ONG turque DurDe, la pétition http://www.remember24april1915.eu/ et appellent au rassemblement place Taksim le 24 avril à 19:15, à Istanbul.

Malheureusement, en Turquie, mais aussi dans les communautés turques de l’étranger, le négationnisme schizophrène, imposé par l’État depuis un siècle, fait le lit du racisme, du nationalisme et de la haine. A défaut d’éprouver de véritables regrets pour les génocides pluriels commis sur son sol il y a un siècle, il est temps pour la Turquie d’offrir une autre perspective d’avenir à sa jeunesse que celle de s’enorgueillir de cet « acte honteux ».

100 ans de déni, ça suffit.

Fait à Istanbul, le 23 avril 2015,
En mémoire du jeune Arménien d’Istanbul, Sevag Balikci, assassiné le 24 avril 2011 dans la caserne de Batman (Est de la Turquie) où il faisait son service militaire.
En mémoire de Hrant Dink, journaliste arménien de Turquie exécuté à Istanbul le 19 janvier 2007 par un jeune nationaliste turc de 17 ans.
Pour Sevan Nisanyan, brillant intellectuel arménien de Turquie, bâillonné et emprisonné depuis le 2 janvier 2014.

Séta Papazian
Présidente du Collectif VAN
[Vigilance Arménienne contre le Négationnisme]
Boite vocale : 09 50 72 33 46
contact@collectifvan.org – www.collectifvan.org



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