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La réforme de la médecine du travail


Les dispositions concernant les services de santé au travail votées par l’Assemblée nationale dans le projet de loi portant réforme des retraites constituent un progrès pour la prévention de la pénibilité et la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs. Ces nouveaux articles sont le fruit d’un long processus, auquel les partenaires sociaux ont été longuement et amplement associés notamment dans le cadre de la Conférence sur les conditions de travail de juin 2008 et des réunions du Conseil d’orientation des conditions de travail en 2009 et 2010. Ils font suite à de nombreux rapports de l’IGAS, du Conseil économique social et environnemental dit rapport Dellacherie (2008), et de personnalités scientifiques reconnues comme les Professeurs Conso et Frimat (2004).

Le projet actuel fait la synthèse des points de convergence de tous ces travaux et des positions des acteurs et des partenaires sociaux, dans le seul souci de la promotion de la santé des salariés. Tous ces rapports et travaux soulignaient que le statu quo était impossible et qu’il convenait de réformer le dispositif pour l’adapter aux enjeux actuels.

Il convient afin d’en faciliter la compréhension dans un domaine qui fait par ailleurs appel à une part importante de textes réglementaires d’en rappeler les objectifs afin d’éviter des interprétations erronées.

1- L’indépendance des médecins est garantie, et la pluridisciplinarité autour de celui-ci ne constitue pas un recul mais un progrès collectif au bénéfice de la santé des salariés

L’indépendance du médecin du travail à la fois garantie par les dispositions du Code du travail, mais aussi le Code de la santé publique et le code de déontologie, n’est absolument pas modifiée par le projet. Leur statut de salarié protégé n’est pas non plus remis en cause. Le fait que le médecin du travail soit un salarié d’une entreprise (dans le cas d’un service autonome) ou d’un service de santé inter-entreprise, comme peuvent l’être des médecins dans un établissement de santé, n’entame en rien leur indépendance technique, ni leurs prérogatives dans l’exercice de leur art.

Le fait dans les dispositions votées de prévoir une organisation pluridisciplinaire autour du médecin du travail n’est pas une volonté de « démédicaliser » la santé au travail, mais au contraire de préserver les compétences exclusives du médecin sur les missions que lui seul peut conduire, en s’appuyant sur des compétences diverses-ingénieur de prévention, ergonome, infirmier, assistant de santé au travail,…- pour accroître collectivement les capacités du service de santé au travail, et ainsi accroître la prévention des risques professionnels. Ce n’est donc pas une médecine du travail au rabais, mais une médecine du travail enrichie des compétences spécialisées qui viennent épauler la mission centrale du médecin.

2- Les missions des services de santé au travail sont pour la première fois définies et par la même confortées pour répondre aux enjeux actuels de la santé au travail, et accroître leur capacité à préserver la santé des travailleurs.

Le projet définit les missions des services de santé au travail comme étant non seulement centrées sur les salariés pris individuellement, mais aussi sur la collectivité des travailleurs, avec une démarche plus systémique. La volonté derrière cette définition est bien de conférer une mission de veille sanitaire, de prévention de la santé au travail et en particulier de prévention primaire. La première de ces missions est bien de « conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ». Derrière ces mots, c’est bien une politique de prévention de l’altération de la santé, dans une approche dynamique et globale qui est visée. Cette approche globale et collective, complémentaire de la première, est aujourd’hui indispensable dans un contexte de forte évolutivité des risques professionnels, désormais transversaux à tous les secteurs d’activité (TMS, risques chimiques…).

Au-delà de la définition des missions des SST, le projet rénove fondamentalement la gouvernance et améliore le pilotage de ces services, en prévoyant une gouvernance paritaire (alors qu’antérieurement la représentation des employeurs représentait les 2/3 des sièges). Il prévoit une direction du service de santé, une organisation des missions à travers un projet de service pluriannuel et un contrat d’objectifs passé avec la Direction régionale des entreprises de la concurrence du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et la Caisse régionale d’assurance retraite santé au travail (CARSAT). Vouloir renforcer la capacité d’action des SST et leur efficacité passe à l’évidence par les moyens de les piloter.

3- Un dispositif de traçabilité des expositions professionnelles à des facteurs de risques et de pénibilité va se mettre en place.

Pour la première fois, un dispositif de suivi/traçabilité des expositions à des facteurs de risques professionnels et des facteurs de pénibilité est institué. Il permettra au fur et à mesure de sa montée en charge de pouvoir identifier précocément les facteurs de risques auxquels les travailleurs peuvent être exposés, notamment pour permettre une politique de prévention de l’employeur, et une action complémentaire du médecin du travail.

4- Des nouvelles catégories de salariés, non couverts jusqu’alors vont bénéficier de prestations de santé au travail

Le projet a pour objectif de couvrir des catégories de salariés aujourd’hui privées, en droit ou en fait de l’accès aux services et prestations de santé au travail : plus d’un million et demi d’employés de maison, les VRP, les bénéficiaires de la formation professionnelle, les intermittents du spectacle.

Au total, l’ensemble du dispositif a bien pour seul et unique objectif l’amélioration de la santé au travail et la préservation de celle-ci. Les bases posées par ces articles devront être prolongées par un travail réglementaire important, auquel l’ensemble des parties prenantes seront naturellement associées, notamment dans le cadre du Conseil d’orientation des conditions de travail.