Pourquoi l’organisme réagit-il différemment, selon les individus, à un régime riche en graisse ?


Une alimentation riche en graisse déséquilibre notre flore intestinale. La composition de cette flore conditionnerait la façon dont l’organisme développe certaines pathologies métaboliques comme le diabète, en dehors de toute modification génétique, du sexe, de l’âge et d’un régime alimentaire particulier. C’est ce que viennent de montrer Rémy Burcelin et Matteo Serino, chercheurs dans l’unité Inserm 1048 « Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC) », Université Toulouse III – Paul Sabatier. Des additifs nutritionnels (les gluco-oligosaccharides, fibres alimentaires) visant le microbiote intestinal pourraient empêcher le développement de troubles du métabolisme. Ces résultats sont publiés dans la revue papier Gut d’Avril 2012.

La flore intestinale ou microbiote intestinal constitue l’ensemble des bactéries vivant dans notre tube digestif. Elle regroupe environ mille espèces bactériennes différentes se nourrissant en partie de ce que nous ingérons. Chaque individu est doté d’une flore intestinale spécifique et d’un métabolisme qui diffère suivant le régime alimentaire suivi. Des études précédentes ont montré, chez la souris, qu’une alimentation riche en graisse est capable de déséquilibrer la flore intestinale, entrainant ainsi des maladies métaboliques telles que le diabète ou l’obésité.

L’équipe de Rémy Burcelin (Unité Inserm 1048, Université Toulouse III – Paul Sabatier) a étudié l’action d’une alimentation grasse (1), sur la flore intestinale, pendant trois mois, chez des souris mâles du même âge ayant toutes le même fond génétique. La plupart d’entre-elles sont devenues diabétiques en restant maigres mais quelques-unes, toujours maigres, sont restées non-diabétiques. Pourquoi ?

Pour confirmer l’hypothèse selon laquelle la flore intestinale est impliquée dans la façon dont l’organisme réagit face à un régime alimentaire riche en gras, l’équipe de recherche s’est penchée sur le profil microbien de différents types de souris (maigre-diabétique et maigre non diabétique, indiquant deux phénotypes). Ils ont montré que les bactéries de la flore intestinale n’étaient pas présentes en même quantité chez les souris, selon qu’elles étaient diabétiques ou non. Les souris maigres diabétiques sont caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Bacteroidetes » à la différence des souris maigres non diabétiques, caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type « Firmicutes ».

La flore intestinale est-elle la cause ou la conséquence des maladies métaboliques ?
Pour répondre à cette question, l’équipe de Rémy Burcelin a modifié directement la flore intestinale d’un groupe de souris en ajoutant des fibres alimentaires, des gluco-oligosaccharides, à leur régime en haute teneur en graisse. « La plupart des caractéristiques physiologiques ont été modulées par l’ajout de ces fibres. Le métabolisme des souris traitées avec ces fibres est proche de celui des souris maigres et non diabétiques. Cependant, la flore intestinale des souris traitées par les fibres est devenue très différente par rapport à celle des autres phénotypes observés » précise Matteo Serino.

L’équipe de Rémy Burcelin conclut que « la flore intestinale pourrait orienter le métabolisme vers un état diabétique ou non suivant son profil. Si on ne peut pas comparer la flore bactérienne d’une souris à celle d’un homme (2% seulement de superposition), certains mécanismes inflammatoires liés à certaines bactéries, comme le Faecalibacterium prausnitzii, semblent être les mêmes. » Selon les chercheurs, les bactéries présentent dans la flore intestinale pourraient prédire la survenue du diabète. « Il est possible qu’une supplémentation en fibre, ciblant la flore intestinale, empêche l’apparition de maladies métaboliques (comme le diabète) même en cas de régime riche en graisse », ajoute Matteo Serino.

Ce projet a été subventionné en partie par le programme de recherche « Florinflam » financé par l’ANR ainsi que par le programme de recherche « FLORINASH » financé par le 7ème programme de la Commission européenne. « FLORINASH » (Prevention and treatment of non-alcoholic fatty liver disease) est un projet coordonné par l’Inserm sous la direction de Rémy Burcelin, directeur de recherche Inserm et qui regroupe 6 partenaires dans 4 pays d’Europe.

(1) Alimentation diabétogène et non obésitogène.

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