Banques et assurances : un changement de paradigme


Le Club établissements financiers & et assurances de la DFCG organise les réflexions autour de la fonction contrôle de gestion ainsi que sur les problématiques des directions financières des acteurs financiers.

Le secteur de la banque et de l’assurance est particulièrement touché par la crise financière. Pierre Molendi (Contrôle de Gestion Groupe BPCE), secrétaire général de la DFCG, et Jérôme Lejeune, Manager Wight Consulting, respectivement responsable et membre de ce Club, expliquent pourquoi cela doit inciter les contrôleurs de gestion à repenser leur façon de travailler et leur positionnement dans l’entreprise.

Dans un environnement du marché financier qui, depuis quelques années, a subi de nombreuses secousses – dont certaines se sont amplifiées au cours des derniers mois – la fonction contrôle de gestion a un positionnement à affirmer au sein de l’entreprise. Sur un marché mature, les acteurs de la banque de détail ont des perspectives de conquête client limitées. Ils orientent leur stratégie de croissance vers la fidélisation de leur clientèle nationale et partent à la conquête de nouveaux marchés, notamment émergents (entre autres ceux issus des nouvelles technologies). Dans le même temps, les offres standard favorisent un affrontement sur les prix et une pression sur la marge. En parallèle, les clients, bénéficiant d’une information accrue, ont un comportement plus sophistiqué, moins fidèle à leur établissement d’origine et augmentent leur pouvoir de négociation.

Les évolutions règlementaires permanentes et de plus en plus structurelles se font plutôt au bénéfice des clients, ce qui oblige les acteurs à adapter leurs processus et leurs politiques d’offres, en fonction de leur contribution à la marge de solvabilité et de leur besoins de liquidités, « matières premières » de l’industrie financière (Bâle III et Solvabilité II).

Les évolutions technologiques ouvrent des opportunités en termes d’offres et de modes de relation multicanal. Elles permettent aux acteurs financiers de disposer d’une information pléthorique sur leurs clients et leurs processus internes.

Quel positionnement et quelle contribution à la performance ?

Pour prendre en compte ces évolutions et identifier les enjeux propres au contrôle de gestion, il est nécessaire de s’interroger sur ses composantes principales : ses missions, son organisation, ses activités et ses instruments.

Missions : quelles sont les finalités du processus de pilotage ?

La notion de performance et sa traduction dans le pilotage sont propres à chaque secteur : par exemple, dans la grande distribution, le pilotage quotidien de la marge se fait au niveau de granularité le plus fin tandis que, dans la banque de détail, le pilotage opérationnel est plutôt hebdomadaire et porte sur la qualité des processus de relation client permettant la création de valeur dans la durée.

Cependant, la pression sur les marges et les contraintes réglementaires impliquent pour les acteurs du secteur financier une réflexion globale sur la notion de performance à traduire dans la planification stratégique et le suivi opérationnel.

Les pratiques observées sur le marché montrent une évolution de la fonction contrôle de gestion vers un copilotage de l’activité : le contrôle de gestion devient partenaire des métiers. Il est, d’une part, le porteur de la vision globale et transversale de l’entreprise avec une implication dans le plan stratégique : il guide les opérationnels dans la traduction de la stratégie de l’entreprise en plans d’actions cohérents. D’autre part, il contribue, de par les outils qu’il met en place, à créer de la valeur ajoutée, en améliorant la performance de l’entreprise : il connaît les métiers, les besoins et les contraintes des acteurs de l’entreprise (directions fonctionnelles et opérationnelles) et a vocation à stimuler la performance en s’y adaptant et en étant force de proposition.

Les enjeux de la banque de détail

La performance dans la banque de détail selon quatre axes :

1. La performance commerciale correspond au pilotage, plutôt local, des activités bancaires via les différents canaux (ex. : PNB, qualité de service, satisfaction client…).

2. La performance financière évoque le pilotage, plutôt central, du compte de résultat dont l’enjeu, au regard du développement commercial, consiste à optimiser le PNB (gestion du portefeuille) et les charges (ex. : coefficient d’exploitation, gestion des encours…).

3. La maîtrise des risques consiste à intégrer cette dimension dans le pilotage de la performance globale (exposition des placements, marge de solvabilité…) afin de rassurer le marché.

4. L’affectation des ressources (fonds propres et liquidités) est un nouvel objectif vers lequel convergent les stratégies bancaires en actionnant les trois leviers de performance évoqués ci-dessus.

Les enjeux de l’assurance

En introduisant une contrainte, pour les assureurs, de mesure et d’anticipation de leur exposition aux risques pour définir le montant des fonds propres alloués, la norme Solvabilité II interroge la notion de performance intrinsèque de l’entreprise. Désormais, l’évaluation de la performance Groupe est liée au couple rentabilité – risque, avec une part croissante du pilotage du risque de l’entreprise dévolue au contrôle de gestion (par rapport à Solvabilité I).

Cette évolution de la fonction contrôle de gestion se traduit notamment dans les trois éléments Solvabilité II suivants :

– le pilotage du taux de couverture (Comment intégrer la stratégie risque ORSA dans le business plan ? Comment piloter le taux de couverture et sa traduction opérationnelle dans l’activité via les tableaux de bord ?) ;

– l’allocation des fonds propres (Quel suivi du budget risque et des consommations de fonds propres par structure – produit, segment et entité ?) ;

– le pilotage multinorme (comment adapter la vision de la performance en fonction des normes auxquelles est soumise la compagnie d’assurances – MCEV[1], IFRS, Local Gaap, SoIvabilité II ?).

Organisation : quel est le positionnement de la fonction dans l’entreprise ?

Le positionnement de la fonction contrôle de gestion dans l’organisation traduit concrètement sa proximité avec le management dans le pilotage opérationnel de l’entreprise : est-il plutôt un contrôleur a posteriori, trivialement, « un releveur de compteur » ou participe-t-il à la réalisation de la stratégie de l’entreprise en étant « partenaire » ?

Les pratiques observées présentent une organisation en phase avec les priorités stratégiques de l’entreprise (focalisation sur la performance financière, la relation client, etc.). Dans les faits, la fonction connaît souvent un double rattachement organisationnel : hiérarchique, à la direction financière, et fonctionnel, à la direction opérationnelle (pilotage de l’activité commerciale). La fonction contrôle de gestion est souvent déléguée jusqu’au niveau disposant des leviers opérationnels de performance (central, régional ou local).

Dans l’entreprise, la fonction est largement partagée entre tous les acteurs, de la direction générale, qui fixe les objectifs stratégiques, aux responsables d’agence qui pilotent les processus de relation client. La fonction n’est pas réductible à ceux qui la pratiquent de façon identifiée : les contrôleurs. Ils ont alors un rôle essentiel de diffusion de la culture de gestion et de performance de l’entreprise.

Activités : quel est le rôle du contrôleur de gestion ?

Les activités du contrôleur de gestion sont « toujours » la planification stratégique, le budget et le pilotage opérationnel de la trajectoire par la mise en place des outils de reporting (prévisions, analyses et plan d’actions). Cependant, les évolutions évoquées favorisent une extension des prérogatives des contrôleurs de gestion « copilotes » de la performance globale de l’entreprise. Quelle intégration de la dimension risque dans le processus d’élaboration budgétaire et de planification stratégique ? Quelles interactions avec les autres directions métiers ? Quelle adaptation des modalités d’analyse de la performance-rentabilité des activités ? Quelle traduction dans les plans d’actions à mettre en place ? Quelles relations instaurer avec les autres directions métiers pour faciliter l’exercice de leurs spécificités en les aidant à piloter leur activité ?

Les pratiques observées confirment un élargissement des responsabilités des contrôleurs de gestion. Hier « traducteur des éléments comptables » puis « producteurs de données », ils sont désormais analystes et partenaires, associés aux décisions opérationnelles et stratégiques de l’entreprise.

Instruments : quels sont les outils utilisés par les contrôleurs de gestion ?

Pour mettre en œuvre ses missions et accomplir son rôle de partenaire, le contrôleur de gestion utilise de nombreux instruments : reporting, tableau de bord, budget, plans d’actions… Cependant, la multiplicité des informations disponibles grâce aux évolutions technologiques, le partage et l’interprétation de ces données accessibles aux différents acteurs de l’entreprise, renforcent l’attente de valeur ajoutée vis-à-vis des contrôleurs de gestion. Quels nouveaux indicateurs mettre en place pour favoriser le pilotage de telle partie de la performance ? Comment assurer la cohérence entre les indicateurs opérationnels et commerciaux avec les indicateurs financiers et stratégiques ? Comment adapter le support (tableau de bord) de pilotage aux attentes des « clients » internes : suivi du plan stratégique et aide à la décision pour la direction générale, suivi opérationnel des actes en agence ?

Pour ce faire, de nombreuses méthodes sont fréquemment évoquées, mais les acteurs, s’ils les connaissent, avouent ne les utiliser que peu : balanced scorecard, budget base zéro, Ovar… Pour autant, les pratiques évoluent vers davantage d’émulation et de convergence, vers une vision partagée de la performance de l’entreprise, mais sous des angles différents. Par exemple, des processus d’élaboration budgétaire de plus en plus mixtes, alliant un cadrage descendant (orientation stratégique, hypothèses du business-plan) et un budget ascendant, construit par ceux qui auront à le piloter. De même, le recours au benchmarking (comparaison entre agences ou régions, ou vis-à-vis de la concurrence) devient une pratique de place, un outil de référence.

La cohérence de ces outils et pratiques du contrôle de gestion est garantie par la « normalisation » : les règles à suivre sont édictées par le contrôle de gestion central, mais sont alimentées par les niveaux opérationnels (bonnes pratiques, nouveaux indicateurs, exemple d’analyses…).

Pistes de réflexion pour la fonction contrôle de gestion

Afin de nourrir les réflexions quant aux changements à mettre en place dans l’entreprise pour faire du contrôle de gestion le partenaire de la performance, sont détaillés ci-après quelques axes majeurs de développement.

Le contrôle de gestion, agent du changement

Le contrôleur de gestion se révèle un acteur clé du management de l’entreprise, en raison de son positionnement transversal et de sa fonction de stimulation du changement. Il appréhende et identifie les vecteurs de changement. Il participe à la conception du changement en proposant une définition et une réévaluation des objectifs, des options et des méthodes. Il soutient le changement dans sa traduction cohérente lors de l’exécution. Voire, il provoque le changement.

Le contrôle de gestion, partenaire de la performance globale : financière et opérationnelle

La mission du contrôle de gestion est de soutenir la performance à tous les niveaux de la structure (organisationnelle et hiérarchique). Ainsi, le contrôle de gestion doit intégrer et se donner les moyens de gérer deux dimensions. D’une part, la dimension financière qui est orientée vers la vision consolidée de la performance dont l’objectif majeur est de construire et éclairer les décisions stratégiques. D’autre part, la dimension opérationnelle qui évoque une vision opérationnelle locale de la performance dont l’objectif est d’éclairer et orienter l’action (voir schéma).

Cette double dimension de la fonction contrôle de gestion fournit une clé de lecture simple et efficace pour prendre en compte les changements de l’environnement concurrentiel et s’y adapter. Elle s’applique, pour le contrôle de gestion Groupe, aux problématiques financières et risque focalisées sur les liquidités, la solvabilité et la rentabilité et leur correspondance opérationnelle de suivi de la trajectoire initialisée, animée par les contrôleurs de gestion locaux en direction régionale.

Un vecteur de permanence et de cohérence de la stratégie d’entreprise

Un enjeu fort de la stratégie réside dans la corrélation entre les cycles de planification stratégique et les cycles de pilotage ou cycle de vie des produits. Les plans stratégiques, souvent triennaux, sont souvent réévalués pour rassurer les marchés. Ils tendent à devenir des plans d’actions. Le contrôle de gestion joue un rôle de stabilisateur, de garant de la permanence dans le pilotage de la performance de l’entreprise. Sa capacité d’adaptation et les évolutions dans la fonction évoquées précédemment ne doivent pas occulter son rôle premier de gardien de la trajectoire globale d’entreprise.

Une vision du contrôle de gestion à traduire dans une organisation en phase avec les enjeux stratégiques…

Le contrôle de gestion est le garant de la traduction opérationnelle de la stratégie de l’entreprise. Ses responsabilités et son organisation retranscrivent ce principe. Ses responsabilités sont en phase avec son rôle et sont portées par la direction générale de la structure. Son rattachement organisationnel reflète les priorités stratégiques ainsi son niveau de délégation est cohérent avec les leviers d’action opérationnels dont il dispose.

…et des pratiques et des instruments normalisés et adaptés aux besoins

Le contrôle de gestion soutient la performance de son entreprise en mettant en place et en proposant les outils adéquats qui permettent d’éclairer et de faciliter les décisions. Il utilise et participe à la diffusion d’un langage commun pour l’ensemble de l’entreprise, traduit dans des pratiques normalisées (référentiels, normes de gestion). Ses analyses et suggestions intègrent les contraintes de l’entreprise. Enfin, le SI et les instruments (tableaux de bord, analyses de rentabilité et plans d’actions) sont orientés et adaptés vers les besoins de ses « différents clients » : directions centrales/régionales et opérationnels.

En évolution constante dans le secteur financier depuis les années 1980, le contrôle de gestion devient un acteur du changement. Plus que d’autres métiers, de par son rôle de partenaire de la performance, il doit d’adapter aux évolutions de l’environnement. Les marchés sont agités, les acteurs financiers font évoluer leur offre de façon structurelle et les clients sont de plus en plus exigeants. Dans ce contexte, les attentes vis-à-vis du contrôle de gestion sont fortes et sa valeur ajoutée de partenaire de la performance, à démontrer au quotidien.

S’il fallait décrire la fonction contrôle de gestion par ses qualités, il faudrait évoquer respectivement : la réactivité, la responsabilité, l’expertise, la proximité et la connaissance opérationnelle.

La DFCG est l’association française des dirigeants finances gestion. Implantée dans toutes les régions de France, elle regroupe 3 200 membres de tous les secteurs économiques du pays. Toutes les tailles d’entreprise sont représentées, de la PME aux groupes internationaux, à l’image du tissu économique français. Elle propose, entre autres, à ses membres de participer à de nombreux événements : petits-déjeuners, conférences, dîners débats, formations, Financium, son symposium annuel. En outre, elle publie le mensuel Échanges, une revue de référence pour la fonction finances gestion.

Site Internet : www.dfcg.com

Facebooktwitterlinkedin

Catégories :

Catégories